Qu’est-ce qu’une malfaçon ?
Un chantier de construction comporte parfois son lot de mauvaises surprises. Les travaux comportent malheureusement une part d’aléa : faute et négligence de l’entrepreneur, mauvaise qualité des matériaux utilisés par l’entreprise de construction, manque de compétence d’un intervenant du chantier : une malfaçon est vite arrivée.
La malfaçon résulte de la mauvaise exécution de travaux, entraînant le plus souvent un dommage sur la construction. On emploi, au sens large, le terme « dommage », pour qualifier un dégât matériel. Le terme « désordre » est également fréquemment utilisé. Il est légitime de s’interroger sur les recours possibles lorsque l’on se retrouve face à une malfaçon, en commençant par se demander : qui est responsable ?
Qui porte la responsabilité en cas de malfaçons ?
La responsabilité des malfaçons pèse ici sur le constructeur. Cette notion englobe en réalité plusieurs professions. Dès lors que le constructeur est lié par un contrat de louage d’ouvrage avec le maître d’ouvrage, il engage sa responsabilité en cas de dommages. Le code civil retient ainsi, en qualité de constructeur :
- L’architecte
- L’entrepreneur
- Le technicien
- Plus généralement, les personnes liées par un contrat de louage d’ouvrage avec le maître d’ouvrage (Par exemple, le contrôleur technique, un Bureau d’étude technique , etc.)
- « Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire »
- « Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage »
Qui peut bénéficier de garanties en cas de malfaçons ?
- Le maître d’ouvrage. Naturellement, le bénéfice de la garantie revient au maître d’ouvrage. En cas de vente du bien, l’acquéreur de l’ouvrage devient à son tour bénéficiaire de la garantie jusqu’à expiration du délai. Exemple : Monsieur A, maître d’ouvrage, réceptionne les travaux. Il est titulaire de la garantie en cas de dommages. Trois ans après la réception, il vend son bien à Madame B. C’est désormais elle qui est titulaire de la garantie. Cela vaut pour tous les acquéreurs successifs jusqu’à l’expiration du délai.
- Les copropriétaires. Si le bien faisant l’objet de dommages est placé sous le régime de la copropriété, le syndicat de copropriétaires peut se revendiquer bénéficiaire de la garantie dès lors que le dommage touche les parties communes.
Les responsabilités spécifiques des constructeurs
Règles communes aux différentes garanties
Nous retiendrons quatre conditions permettant la mise en œuvre des différentes garanties spécifiques des constructeurs. Elles doivent être remplies cumulativement pour que les garanties s’appliquent.
Condition n°1 : un ouvrage doit exister. Si le terme « bâtiment » était auparavant fréquemment employé, la loi a consacré en 1978 la notion d’ouvrage. Cette notion plus large inclut tout type de travaux sous réserve du respect de deux conditions : l’utilisation de technique de construction et l’immobilisation des travaux.
Condition n°2 : il doit s’agir de la construction d’un ouvrage. En principe, il s’agit de travaux neufs. Par exemple, la construction d’une maison neuve. Il peut aussi s’agir de travaux de rénovation lorsque ceux-ci sont techniquement importants (lorsqu’ils touchent par exemple à la structure, au clôt, au couvert ou à l’étanchéité ou l’isolation)
Il pourra s’agir de la création d’une mezzanine dans une maison, entraînant une refonte de toute la charpente. Une rénovation trop légère ne pourra pas être considérée comme un ouvrage.
Condition n°4 : l’ouvrage doit avoir fait l’objet d’une réception. En effet, le point de départ de chaque garantie est fixé à la réception de l’ouvrage dans sa globalité. La réception est considérée comme l’acceptation destravaux par le maître d’ouvrage. Cette acceptation peut se faire avec ou sans réserve. Elle peut être amiable (expresse ou tacite) ou, à défaut, demandée judiciairement.Condition n°3 : un dommage doit exister. Si aucun dommage n’existe sur l’ouvrage, les garanties légales n’ont pas, à priori, vocation à s’appliquer.
Une fois que ces règles sont mises en œuvre, trois garanties peuvent être actionnées en cas de dommage, selon des conditions propres à chacune : la responsabilité décennale, la garantie biennale de bon fonctionnement et la garantie de parfait achèvement.
La responsabilité décennale
Qu’est-ce que la responsabilité décennale ?
Cette responsabilité des constructeurs en cas de dommages ne joue que lorsque ces derniers sont cachés à la réception de l’ouvrage. Ces désordres doivent également :
- Soit porter atteinte à la solidité de l’ouvrage. Cela signifie que l’ouvrage ne peut résister dans le temps, sans être sérieusement et dangereusement compromis.
Exemple : un défaut sur la structure d’un bâtiment qui entraîne son effondrement.
- Soit rendre l’ouvrage impropre à sa destination. Cette notion est plus délicate car plus large et s’apprécie majoritairement au cas par cas. En cas de litige, ce caractère factuel sera apprécié souverainement par les juges du fond. L’ouvrage doit pouvoir être conforme à sa destination objective, mais les tribunaux retiennent également parfois celle, subjective, que les parties ont souhaité lui donner.
Exemple : un défaut d’étanchéité sur un toit-terrasse entrainant une infiltration dans un volume habitable de l’ouvrage, rend celui-ci impropre à sa destination.. Un tel défaut est rarement visible à la réception, puisque le toit-terrasse doit d’abord être éprouvé par le mauvais temps pour que le défaut d’étanchéité soit constaté. Il s’agit bien d’un désordre caché.
Si ces conditions sont remplies, alors la responsabilité décennale peut être mise en œuvre. Il s’agit d’une responsabilité de plein droit. Cela implique que le constructeur est responsable des dommages affectant l’ouvrage sans qu’il soit nécessaire de démontrer sa faute.
A titre d’exemple, on constate que tous les dommages qui portent atteinte à la structure, au clôt, au couvert, à l’étanchéité de l’ouvrage, ou à la sécurité de ses occupants, entre généralement dans le champs d’application de la responsabilité décennale.
Comme son nom l’indique, la « garantie décennale » dure dix ans.Une fois les dix années écoulées, il n’est plus possible de la mettre en œuvre (sauf démonstration d’un dol).
Qu’est-ce qui est exclu de la garantie décennale ?
Les dommages purement esthétiques ne peuvent être couverts par la responsabilité décennale (en dehors de cas très spécifiques). On retiendra, à titre d’exemple de dommages exclus de la décennale :
- Les fissures, lorsque la conséquence est uniquement esthétique.
- L’utilisation de la mauvaise couleur pour les tuiles du toit, la conséquence étant seulement esthétique.
- Le non-fonctionnement d’un élément d’équipement de l’ouvrage, dès lors que la destination de l’ouvrage n’est pas compromise.
La garantie biennale de bon fonctionnement :
La garantie biennale de bon fonctionnement concerne toujours les désordres cachés à la réception qui affectent les éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage. Ces éléments d’équipement ne doivent pas être indissociables de l’ouvrage, et les dommages ne doivent pas rendre l’ouvrage impropre à sa destination. Sinon, on se situe dans le champ d’application de la responsabilité décennale.
Cette garantie biennale a pour objectif de réparer le mauvais fonctionnement des éléments d’équipement dissociable de l’ouvrage. L’utilisation du terme « fonctionnement » est très importante. Les éléments qui ne fonctionnent pas sont exclus de cette garantie.
Ce critère du fonctionnement fait de la biennale une garantie particulièrement utile, qui n’empiète pas sur la décennale. Elle couvre par exemple :
- Le non-fonctionnement d’une pompe à chaleur
- Le mauvais fonctionnement d’un chauffage solaire
- Le mauvais fonctionnement d’un climatiseur
- Le non-fonctionnement de volets roulants électriques
La garantie de parfait achèvement
La garantie de parfait achèvement peut être mise en œuvre pendant un an à compter de la réception de l’ouvrage.. Elle ne peut pas être écartée par les parties, puisqu’elle présente un caractère d’ordre public. Aucune clause contractuelle ne peut y déroger.
La garantie de parfait achèvement a pour objectif principal de faire réparer le dommage par l’entrepreneur qui a réalisé les travaux. Les redevables de cette garantie sont donc exclusivement les « entrepreneurs », catégorie plus étroite que celle des « constructeurs » (cf. supra). Cela exclu dons les architectes ou maître d’œuvre ainsi que les contrôleurs techniques et autres techniciens intervenus pendant les travaux.
Elle permet de garantir :
- Les désordres apparents mentionnés dans le procès-verbal de réception (aussi appelés « réserves »). En l’absence de réserves sur un désordre apparent, celui-ci est réputé accepté par le maître d’ouvrage, qui ne pourra pas en demander la réparation.
- Tout désordre qui, caché à la réception, se manifeste dans l’année qui suit. Dans ce cas, les désordres ne doivent pas résulter d’une usure normale ou d’une mauvaise utilisation de l’ouvrage.
Dans ce cadre, le maître de l’ouvrage n’aura pas à démontrer la faute de l’entrepreneur à l’origine du dommage, ni une gravité particulière de celui-ci.
Si l’entrepreneur n’intervient pas pour réparer le dommage objet de cette garantie, le maître de l’ouvrage, peut, dans les conditions visées à l’article 1792-6 du code civil, faire intervenir une entreprise tierce aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant.
L’analyse de la jurisprudence actuelle montre que si le maître de l’ouvrage laisse écouler le délai de la garantie de parfait achèvement (délai de forclusion), il pourra tout de même recherche la responsabilité contractuelle de droit commun de l’entrepreneur défaillant voire des constructeurs responsables du dommage (cf. infra).
La responsabilité contractuelle dite « de droit commun » des constructeurs
Nous avons fait le constat d’une législation riche en matière de responsabilité des constructeurs. Trois « garanties » spéciales s’offrent au maître d’ouvrage en cas de dommages affectant l’ouvrage ou ses éléments d’équipement. Néanmoins, il subsiste, de manière résiduelle, la possibilité de rechercher la responsabilité contractuelle dite « de droit commun » des constructeurs.
Alors, il faudra en principe démontrer la faute du constructeur et le préjudice en résultant contrairement à la responsabilité « de plein droit » dans les cadres spécifiques ci-avant exposés.
Elle peut être recherchée d’abord en cas de dommages survenus avant la réception.
Elle concerne également les actions du maître de l’ouvrage contre ses cocontractants, qui ne se fondent pas sur un dommage à l’ouvrage. C’est par exemple le fondement de l’action en cas de retard dans l’exécution des travaux ou de dépassement du budget convenu pour leur réalisation.
S’agissant des dommages se déclarant après la réception, le principe veut que si l’une des « garanties » spécifiques s’applique, alors la responsabilité de droit commun ne peut pas constituer le fondement d’une action en réparation.
Par conséquent, c’est ce fondement qui sera recherché pour les dommages qui n’entrent dans aucune des responsabilités ou garanties précitées.
C’est par exemple le cas des dommages dits « intermédiaires » (comme notamment les dommages esthétiques affectant l’ouvrage qui ne pourraient pas relever de la garantie de parfait achèvement)ou des défauts de conformité au contrat (comme par exemple la non-conformité d’un modèle de cheminée ou du carrelage…)Une attention particulière doit être portée sur le délai des actions fondée sur cette responsabilité contractuelle. Elle est de dix ans lorsque l’action concerne une atteinte matérielle à l’ouvrage (comme pour les « dommages intermédiaires »), mais semble rester de cinq ans pour les autres cas conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil (par exemple pour les actions relatives au non-respect du délai ou du budget convenu).
Point sur l’obligation d’assurance
Le régime spécial de responsabilité des constructeurs est soutenu par un régime d’assurances obligatoires dit « à double détente ».
D’une part, l’obligation d’assurance pèse sur le maître de l’ouvrage lui-même qui doit souscrire une assurance « Dommages-ouvrage » dont le rôle sera de préfinancer rapidement les travaux de réparation des dommages qui entrent dans son champ d’application.
D’autre part, l’obligation d’assurance pèse sur tous les constructeurs susceptibles d’engager leur responsabilité décennale.
Ces assurances feront l’objet d’un article spécifique.
Besoin d’être accompagné par un professionnel du droit immobilier ?
Verbateam Avocats, cabinet d’avocat spécialisé en droit immobilier et en droit de la construction, vous accompagne et vous conseille en cas de litige. Bénéficiez d’une expertise professionnelle qui répondra au mieux à votre problématique !